vendredi 25 novembre 2016

FAIRE DE LA RADIO EN PRISON

L'association Orpist, en partenariat avec Trans-Arts, vous invite à une séance de cinéma pour les oreilles, ce lundi 5 décembre 2016 à 20h au cinéma L'univers à Lille.

Un moment d'écoutes et de discussions en présence de la réalisatrice Francine Auger-Rey.
Entrée à prix libre.

Au programme :

► Cartes postales sonores [extrait]
Francine Auger-Rey réalisatrice, formateur Bruno Réguet| docu | France | 2011 | 20 min
Proposer à l’auditeur des courts moments de vie qui se suffisent à eux-mêmes était l’apprentissage de ce cycle, une sortie au Louvre en a été le support.


► Les tatouages [extrait]
Francine Auger-Rey | interview | France | 2015 | 12 min
Une réflexion sur le corps en milieu carcéral nous a amené à nous intéresser à la pratique du tatouage en prison : trois détenus témoignent.


► Le travail en prison : ambiance
Francine Auger-Rey | docu | France | 2010 | 9 min
Cette émission qui se décline en trois volets avait pour but de rendre compte du travail modestement rémunéré qui est proposé aux détenus. Ici, nous sommes immergés dans l’ambiance de l’atelier.


► L’Épopée de Gilgamesh : épisode 3
Adaptation et réalisation Francine Auger-Rey, arrangements et mixages Patrice Thioloy, musique originale : Kévin Touron | conte radiophonique | France | 2014 | 14 min
La rencontre des participants détenus avec le monde de la Mésopotamie antique a été un moment mémorable de la vie de l’atelier radiophonique. Les personnes détenues ont été subjuguées par ce que cette civilisation a apporté à notre monde, aux caractéristiques de son Art et de ses croyances. L’Épopée de Gilgamesh, première épopée écrite de l’humanité, a été leur texte de référence. Ils en ont donné une lecture en quatre épisodes.


+ Installations sonores : Dans les pas de matisse (son/photos), boîte So’Nord (écoute d’extraits au casque).
+ buvette, petite restauration 

Cinéma L'univers
16 rue Georges Danton
59000 Lille (Moulins)


Atelier papiers découpés au centre pénitentiaire de Maubeuge. Photo : Francine Auger-Rey



jeudi 24 novembre 2016

PARTAGER LE TRAVAIL DOCUMENTAIRE SONORE

Que dire de cette passion du son ?

La voix d’un être humain est inaliénable.
La manière dont il agence les mots, les images qui lui permettent de se représenter sa place dans le monde, est d’une grande fragilité.
Tendre notre micro partout où s’organise l’occultation, la dévisibilisation de ces souffles précieux, se présente toujours comme une urgence mais aussi nous réjouit.
De ce mouvement du bras qui rapproche la membrane invisible d’un micro de la voix qui va la faire vibrer, naît une grande beauté qui lave nos yeux de ces images fabriquées pour organiser notre aveuglement.
Voix des déchus de la désindustrialisation,
Voix du travailleur émigré dans la remise où on l’avait terré,
Voix du détenu encordé à sa seule condition de transgresseur,
Voix de l’artiste qui essaye pour nous de comprendre son propre geste de création,
Voilà posé notre espace de « radioteur », là où une respiration vitale et réparatrice peut être sauvegardée et transmise.

Francine Auger-Rey
12 novembre 2016

ATELIER AU CENTRE PENITENTIAIRE DE MAUBEUGE

Le projet s’appelle « ATELIER RADIOPHONIQUE ».

Sa visée clairement annoncée est la production d’émissions susceptibles d’être diffusées sur des médias radiophoniques. Cela signifie aussi que nous (les acteurs de l’atelier) allons couvrir plusieurs « formats » de la production radiophonique : reportages, documentaires, journaux d’informations, contes radiophoniques, contes enregistrés en direct et en public, petits billets, cartes postales sonores, etc…

Mais comment couvrir ce champ dans un lieu empêché de mouvements, dans lequel la circulation de l’information est rare et très réglementée ?

Par ailleurs, le fond de la raison de l’existence de cet atelier, est d’arracher une population à l’invisibilité, aux fantasmes qui justifient son occultation, son éviction, comme s’il était possible de nier que les détenus sont liés à la communauté humaine comme nos frères, nos pères, nos voisins, nos amis, nos étrangers, nous enfin.

Donc, il faut que par leur voix ils traversent les murs, et il faut qu’ils puissent physiquement « sortir » pour accomplir leur tâche de membres de la société contre notre gré ou avec notre aide.

Ces sorties sont donc des missions qu’ils acceptent de prendre en charge. Voilà le rôle de la production radiophonique justifié, mis à sa place : sortir au musée ou ailleurs pour avoir l’occasion d’accomplir son travail d’acteur du monde.

Il est de ma responsabilité de leur proposer les attendus de la mission et de leur donner les moyens de l’accomplir. De là vient le thème choisi, de la viennent les différentes phases de l’action : étude du thème, venue de conférenciers, étude des techniques radiophoniques, formations avec intervenants expérimentés, apprentissages des techniques ou visées de l’interview.
Alors la sortie peut se faire et leur existence passer de l’ombre à la lumière un court instant mais quand même quelque chose se dilate en eux qui nous remplit d’aise et de joie. Là est le renouvellement de notre propre énergie.

Quid de ceux qui n’étant pas permissionnables, ne sortiront pas ?

Pour eux il faut mettre le corps en mouvement, il faut créer des circuits de circulation qui ne sont pas ceux prévus par l’incarcération : faire des reportages dans les murs, participer à des ateliers de création artistique, produire une prestation publique dans laquelle leur être unifié fera face à d’autres êtres certes libres mais placés à une même hauteur et dans le même acte de présence qui leur redonne la possibilité et le désir de se redresser. On peut alors sourire, applaudir, échanger, aller les uns vers les autres. La peur s’est dissoute de toute part.

Tout ce qui est proposé est en lien avec le thème étudié par ceux qui feront la visite au musée et pour ceux qui ne sortiront pas.

Alors pour préciser le processus de réhabilitation, de la remise en jeu du don-contre don, il faut une démarche et non une succession d’actions qui occuperait le temps mais ne lui restituerait pas son sens et sa fluidité.

Ainsi un élément du projet n’existerait pas pour lui-même mais renverrait toujours à un autre élément que lui-même. Par exemple, pourrions nous nous demander : est-ce la culture pour elle-même ? certes non. Est-ce l’émission de radio pour elle-même ? non bien sûr. Est-ce l’entraînement du corps, de la respiration, de la voix pour lui-même ? non. Est-ce la visite au musée pour elle-même ? encore non.

Mais chaque élément de l’action s’articule ou se met en écho de l’autre, un élément met en mouvement l’autre élément et ainsi une dynamique vitale est permise à l’insu de tous, annulant le mur, le portique, la serrure, la clef… L’être détenu peut se vivre unifié un court moment mais un moment vital pour se donner le droit à une reconstruction.

En conclusion, ce qui est toujours insupportable et qui motive nos travaux, c’est d’être devant un être humain soustrait à lui-même : qu’il soit détenu, malade mental, être souffrant, malade de la vieillesse ou être en fin de vie .

Ils font partie de ce monde pour les passions qui les ont animés, simplement parce que la vie leur est donnée comme à chacun d’entre nous.

Francine Auger-Rey, 28 sept 2015